Haute-Cime (3258 m) - 1ère

23 juin 2018

En cette fin du mois de juin, j’ai demandé à un ami de passer un weekend à la maison d’où je nous ai prévu deux belles randonnées. Voici le récit de cette première randonnée dans le superbe décor du lac de Salanfe et des Dents du Midi : notre tentative d’ascension de la Haute-Cime.

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Alors que d’abondantes chutes de neige sont arrivées tardivement à la fin de la saison hivernale, les chaleurs du printemps et du tout début de l’été n’ont pas suffi à faire fondre la quantité impressionnante de neige sur les faces nord et est aux alentours de 2000 m d’altitude. Partis dans une relative naïveté, mon ami Alexandre et moi n’étions absolument pas préparés pour cette aventure alpine… enfin, en partie.

J’apprécie beaucoup la compagnie d’Alexandre, son enthousiasme et son optimisme lorsqu’il s’agit d’atteindre un objectif. J’avoue avoir capitalisé là-dessus lors de la planification en début de saison de cette randonnée. Il faut dire qu’en tant qu’ancien sportif d’élite, Alexandre a continué à s’entraîner régulièrement, à participer à des courses populaires et s’est astreint à une bonne hygiène de vie. Tout le contraire de moi et pourtant, c’était bien le sport de haut niveau qui nous a réuni il y a quinze ans. Actuellement en manque de régularité dans l’entrainement, d’assiduité à la tâche et ayant fréquemment une hygiène de vie discutable, j’ai donc capitalisé sur le fait qu’Alexandre allait me mener au sommet de la Haute-Cime. C’était sans compter sans les nombreux si…

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“Si seulement, nous étions partis plus tôt…”

Arrivés au lac de Salanfe, la température est déjà bien élevée et le temps presse.

Arrivé dans les meilleures conditions possibles, c’est-à-dire la veille de la randonnée, nous avons pu passer une excellente nuit de sommeil et décidé de partir sans trop d’empressement aux environs de 8h du matin pour arriver vers 8h50 au départ de la randonnée. Premier si. Si seulement, nous étions partis plus tôt…

Guider par l’impatience, nous avons décidé de garer la voiture à Van d’en Bas (1269 m) alors que la route monte quasiment jusqu’au pied du barrage de Salanfe (1500 m). Ce jour-ci, le but était de se faire mal. J’ai retrouvé cette région que j’ai visité pour la première fois treize ans auparavant lorsque j’ai fait le tour des Dents du Midi. C’est à l’occasion de cette randonnée que la montagne m’a conquis. Nous nous sommes donc mis en marche à Van d’en Bas en direction du lac de Salanfe comme première étape, armés de bâtons et de chaussures souples. Si seulement, nous étions partis plus haut… Si seulement, j’avais eu de meilleures chaussures…

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Les blocs de glace de Lanvouisset

Le passage des premières difficultés techniques

Partis à un rythme très élevé, connaissant une vitesse avoisinant souvent les 6 km/h, nous avons avalé sans problème la distance qui nous séparait du parking au lac de Salanfe (1908 m). Comme souvent, c’est à cette altitude que mon rythme a commencé à caler tandis qu’Alexandre avait l’air plus frais que jamais. Il faisait beau et très chaud (plus de 25°C). Après une pause bien méritée, le chemin qui longe le lac devint très monotone, nous rapprochant que lentement vers le départ de l’ascension du col de Susanfe. Nous avons atteints des premiers névés parsemés de blocs de glace après Lanvouisset (1987 m) et avons rencontrés les premières difficultés techniques. Ces névés contenaient beaucoup de neige glissante et il a fallu user de passablement de patience pour les franchir sans risque. En fait, toute l’ascension qui menait au col de Susanfe s’est effectuée au travers de névés. Si seulement, nous avions eu des crampons et piolets…

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“J’ai eu l’impression d’avoir atteint l’objectif”…

L’illusion du col de Susanfe après seulement 3h30 de marche.

Nous avons enfin atteint le col de Susanfe après 3h30 de marche et 13 km parcourus. J’ai eu l’impression d’avoir atteint l’objectif alors qu’il restait encore 760 m de dénivellation d’une pente de plus de 40% de moyenne. Je ne connaissais évidemment pas ces chiffres sur le moment. Depuis le col, notre vitesse n’a cessé de décroître. Alexandre gardait encore un très bon rythme, mais honnêtement, j’étais au bout de ma vie. Vers 2700 m, le chemin a décidé de se cacher et nous avons escalader quelques pierriers pour nous retrouver sur de la caillasse extrêmement glissante qui a fini de m’achever. Après quelques palabrements, nous avons enfin retrouvé le sentier qui file le long de l’arête sud sur lequel nous retrouvions enfin un minimum d’adhérence. Si seulement, nous ne nous étions pas perdu…

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“Je ne connaissais pas encore ces chiffres”…

A propos des 760 m d’arête sommitale à plus de 40% d'inclinaison.

Juste en dessous du col des Paresseux (3053 m), après avoir passé les superbes cheminées, j’ai dit à Alexandre que je n’en pouvais plus. Nous avons donc décidé de faire une dernière halte à cet endroit, la raison dominant notre ambition. Nous étions également très inquiets de franchir les névés de nuit et préférions faire demi-tour à cet endroit. Si seulement, le soleil ne se couchait pas…

Heureusement que nous avons pris une telle décision, car la descente de ces névés fut quelque peu épique avec deux styles très différents : Alexandre était moins à l’aise qu’à la montée tandis que je descendais droit en bas les névés sans me poser trop de question, comme si le retour à un niveau d’oxygène plus conventionnel me redonnait des ailes, des forces et de l’assurance. Il nous a fallu pester encore plusieurs kilomètres de plat, longeant interminablement le lac, jusqu’au barrage avant de pouvoir débouché la plus belle bouteille de rouge que je gardais secrètement dans mon sac : un grand cru Château Margaux de 2010. Quel régal de boire ce délicieux nectar dans un aussi beau cadre. Quelle chance et quelle aventure ! Il nous restait l’espoir d’avoir encore un peu d’énergie pour la randonnée du lendemain. Si seulement, je m’étais mieux entraîné…

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“… je n’en pouvais plus.”

Abandon de l’ascension en dessous du col des Paresseux.

Cette journée particulière m’a fait prendre conscience que l’objectif du sommet n’est pas une fin en soi. Bien sûr qu’avec tous ces “si”, nous aurions atteints le sommet, mais dans les conditions actuelles, cela n’en valait pas la peine. Et honnêtement, au fur et à mesure de l’ascension, ces “si” devenaient de plus en plus ridicule. Je ne remercierai jamais assez Alexandre de m’avoir soutenu lorsque j’ai dit que je n’en pouvais plus. Cette marque d’amitié m’a permis de me motiver encore plus pour le reste de la saison, à compter du lendemain et l’ascension de la Haute-Corde (Miroir d’Argentine).