Schwarzhorn (3104 m) - 1ère et 2e

18 novembre 2018 et 14 octobre 2019

Ces aventures alpines sont également l’occasion pour moi de m’isoler de ce monde avec lequel je suis de plus en plus en désaccord. Entre le XXe et XXIe siècle, l’Alpe a vu, de plus en plus, le monde du bas monter sur ses flancs dans un seul même but : s’isoler. Cependant, il reste des lieux peu explorés lors de certaines saisons…

Schwarzhorn_01.jpg

Le Schwarzhorn, de par sa multitude d’homonymes (une vingtaine rien qu’en Suisse), fait partie de ces sommets de plus de 3000 m, qui, lorsque les conditions s’y prêtent, est facilement accessible et peu populaire. Combinaison parfaite pour en fixer un de mes objectifs saisonniers. Cette trouvaille est d’ailleurs particulière, car elle ne vient pas de sa réputation, mais plutôt d’un hasard comme c’est souvent le cas lorsque je détermine les randonnées possibles. En effet, lors d’un stage dans les alpes valaisannes, j’ai découvert certains lieux exceptionnels (ou s’agit-il tout simplement de la Montagne ?). C’est en observant un de ces lieux plus attentivement, cherchant un passage pour se faufiler entre les montagnes, que j’ai découvert le Schwarzhorn.

S’aventurer vers l’inconnu

“C’est en observant un de ces lieux plus attentivement, cherchant un passage pour se faufiler entre les montagnes, que j’ai découvert le Schwarzhorn.”

Auparavant, j’ai eu l’occasion de me rendre deux fois au pied d’une cascade impressionnante sur la route de ce sommet. La deuxième fois était avec ma fille ainée, au pied de laquelle nous avons pris un pique nique composé de gruyère, de pomme et de saucisson. Un moment délicieux pendant lequel, du haut de ces deux ans, fixant la cascade, elle m’a dit : « c’est cool ! » avec une immense béatitude. Un souvenir que je garderai très longtemps puisque c’était un de ces moments de partage unique que l’on a avec son enfant. Lors de cette journée, nous nous étions arrêtés au pied de la cascade en passant plusieurs minutes à essayer de voir des marmottes que j’avais vues l’année précédente. Malheureusement, ce jour-là, aucune marmotte est apparue au plus grand désespoir de ma fille.

Schwarhorn.png
Schwarzhorn_04.jpg

Les premières chutes de neiges

“Parti 10 jours après les premières grosses chutes de neige, j’ai repéré l’itinéraire afin d’éviter les pentes à >25-30° pendant la majorité du parcours en me fixant comme objectif le fond du vallon dans lequel était encastré le ruisseau.”

C’est, donc, de cette cascade qu’est partie l’idée de remonter le cours du ruisseau, la Tièche, qui l’alimentait pour découvrir une longue marche conduisant à un sommet de plus de 3000 m. Parti 10 jours après les premières grosses chutes de neige, j’ai repéré l’itinéraire afin d’éviter les pentes à >25-30° pendant la majorité du parcours en me fixant comme objectif le fond du vallon dans lequel était encastré le ruisseau. Ne connaissant pas l’itinéraire, je ne me faisais pas d’illusion quant aux possibilité de gravir ce sommet si les derniers 650 m étaient exposés à une pente avoisinant les 30-33° de moyenne.

Schwarzhorn_05.jpg

Premier avertissement

“Il m’a fallu passer par des pentes plus raide, hors du sentier, pour éviter cette glace qui me conduisait directement vers les gouffres de cette montagne.”

Schwarzhorn_06.jpg

Un choix difficile

“Plus haut encore, j’ai réalisé que je devais longer une pente un peu trop raide à mon goût, ce que mes premiers pas m’ont confirmé lorsque la neige semblait se dérober sous mes crampons. J’ai choisi alors de renoncer à l’objectif du jour…”

Au menu donc, une longue marche d’une vingtaine de kilomètres (aller-retour) depuis le parking situé à 1750 m d’altitude jusqu’à l’hypothétique sommet à 3105 m. Après une rapide ascension dans la forêt, me voici arrivé au rez supérieur de mon aventure, une vaste plaine entourée d’un cirque de montagnes magnifique d’où au fond coulait une cascade. Coulait, car c’est la première fois que je me suis rendu sur ce lieu aussi tardivement dans l’année constatant une cascade, non pas pas gelée, mais plus alimentée en eau. Les seuls témoins qui attestent de sa présence, ce sont les coulées humides présentes le long de la paroi d’où coulait cette cascade. C’est avec quelques regrets que je longe cette paroi en constatant cette cascade fantôme depuis un sentier glacé qui me vaut mes premières frayeurs. Il m’a fallu passer par des pentes plus raide, hors du sentier, pour éviter cette glace qui me conduisait directement vers les gouffres de cette montagne. Une fois cet obstacle franchi, je me suis retrouvé en terra incognita, sur un long plateau conduisant directement au pied du Scharwzhorn. Ce long plateau s’appelle les Outannes sur lequel je me suis perdu, dans les éboulis d’une ancienne barre rocheuse, en jouant à cache-cache avec des lagopèdes alpins. Arrivé au pied de la dernière montée, j’ai hésité un instant de la direction prise pour, finalement, choisir la face sud d’un relief qui me paraissait beaucoup plus stable et praticable que son versant opposé. Bien m’en a pris. Plus haut encore, j’ai réalisé que je devais longer une pente un peu trop raide à mon goût, ce que mes premiers pas m’ont confirmé lorsque la neige semblait se dérober sous mes crampons. J’ai choisi alors de renoncer à l’objectif du jour pour me consacrer à trouver une voie menant à un point de vue situé à 2895 m, quasiment à équidistance entre le Schwarzhorn et le Trubelstock, Pour cela, j’ai dû chercher les éperons du relief et parfois même la caillasse afin d’atteindre ce nouveau but. Aucun regret, puisque la vue sur le plateau des Outannes, le Trubelstock et quelques 4000 de la rive gauche fut exceptionnelle. A l’époque, je ne savais pas que je reviendrai 11 mois plus tard, lorsque les conditions furent un peu meilleurs, pas de neige avant 2800 m (des névés de la première grosse neige de la saison), m’autorisant ainsi à gravir ce cailloux si haut perché et, finalement, très accessible.

Schwarzhorn_08.jpg

Une vue imprenable

“Aucun regret, puisque la vue sur le plateau des Outannes, le Trubelstock et quelques 4000 de la rive gauche fut exceptionnelle.”

Près d’une année plus tard, il y a exactement 1 semaine à compter d’aujourd’hui, je me suis rendu par le même chemin au sommet du Schwarzhorn par le col du même nom et d’où j’ai pu apprécier l’arête du Rothorn, les glaciers du Wildstrubel, Lämmeren, Daubenhorn et l’alpe du Lämmeren. Une vue exceptionnelle qui valait la peine d’y retourner pour surplomber cette beauté que la nature à façonner avec le temps, sa lenteur et sa force. En arrivant au sommet, après avoir aperçu les cairns à 3096 et 3105 m, j’ai levé les bras, car je ne pensais pas gravir ce sommet aux environs de cette saison. La persévérance et l’espoir ont finalement payé, ainsi que mes pauvres jambes, qui, par manque d’entrainement, m’ont supplié, tout au long des derniers deux cents mètres, d’abandonner. Après tout, parcourir près de 24 kilomètres avec une dénivellée positive de 1500 m représente un effort certain. L’équipement photographique que j’avais porté n’a certainement pas aidé à soulager ma peine, mais les résultats pris au 70-200 mm f/2.8 ont payé et un tableau sous forme de toile a été commandé. Je me réjouis de voir les résultats de la photo ci-dessous.

Schwarzhorn_2e_10.jpg

Le retour fut long, mais pas monotone, car le paysage varie fortement toutes les demies heures environ, alternant pentes raides, plateaus/replats, cascade, torrent (la Tièche) et décors. Avec la lumière changeante, il m’a été permis de prendre plusieurs photos sur le retour dont je vous propose un petit panaché. Je ne m’en lasse pas. Vivement la prochaine aventure !