Haute-Pointe (2421 m) - 1ère
2 juillet 2018
Cette ascension est une histoire de frissons, que j’ai enfin retrouvés en montagne. Au menu, un troisième sommet qui commence par Haute-, le deuxième localisé sur l’arête de l’Argentine : la Haute-Pointe (2421 m), soit le plus haut sommet de cette magnifique arête.
C’est, en effet, par curiosité mal placée que j’ai choisi de vérifier dans le guide d’alpinisme du club alpin suisse (Gummfluh, Les Diablerets et Dents de Morcles) de Claude et Yves Remy si, par hasard, il existait un accès en mode free solo conduisant en haut du sommet culminant de l’Argentine. La face nord était, bien entendu, déjà éliminée d’office, puisqu’elle n’est accessible qu’avec des cordes (à moins que Dani Arnold ou Alex Honnold viennent prochainement démontrer le contraire). C’est du côté de la face sud que je me suis penché et que j’ai découvert dans les écrits qu’une vieille sente amenait le marcheur sur l’éperon conduisant au sommet. Compte tenu de l’expérience vécue lors d’un stage de 3 mois dans les Alpes valaisannes, j’aurai dû me méfier de ce mot, si insignifiant qu’il soit, indiquant un passage accessible et tracé par les bêtes les plus habiles. Bien qu’un peu bête par occasion, je n’en ai aucunement l’agilité et bien mal m’en a pris de me lancer dans ce défi qui m’a fait apprendre beaucoup de chose, l’humilité entre autre.
C’est depuis Pont de Nant, cette fois, que j’ai abordé cette ascension. Après avoir déposé mes filles à la crèche (bouh, mauvais père), j’ai parqué la voiture à Pont de Nant pour me lancer en direction du Richard, chemin que je découvrais en guise d’échauffement. C’est en saluant les gens présent à l’alpage que je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas que je traîne, la piqure de taons me rappelant que j’étais leur cible favorite. Accélérant la cadence, je me suis rendu ensuite à La Vare, vaste plaine humide constituant un havre pour toute la flore de montagne. C’est, ensuite, en direction des Etroits que je me suis dirigé à la recherche de cette fameuse sente… Mon impatience légendaire a eu raison de moi au bout de cinq minutes. J’ai effectivement vu par où il fallait que je me faufile (littéralement), mais n’étant pas sûr à 100%, j’ai choisi de viser au milieu, entre une sorte de passage qui filait vers le sommet du Lion d’Argentine et l’éperon de la Haute-Pointe. Contrairement à la pensée courante, l’entre-deux dans le milieu montagnard, n’est en aucun cas, le meilleur des deux mondes.
Me voilà parti pour 650 m de face gravie à l’aide de mon piolet me servant de canne très agréable et ma volonté chancelante. M’arrêtant régulièrement, j’ai regardé constamment à gauche et à droite afin de déterminer s’il y avait un passage plus agréable que les multiples épaules que je franchissait à coup forcé de reins. Arrivé aux environs de 2000 m, je me suis résolu à traverser cette face en direction de l’éperon conduisant au sommet. J’ai bien senti que les semelles de mes chaussures étaient beaucoup trop souples pour effectuer cette traversée dans les éboulis qui se dérobaient sous mes pieds. Heureusement, le pied sûr, j’ai finalement atteint ce fichu éperon. Voyant le passage s’ouvrir devant moi, j’ai été atteint d’un second souffle qui m’a permis de poursuivre mon chemin dans de plus gros éboulis et gazons, bien plus confortables à aborder et surtout bien plus stables.
En arrivant à 2340 m, j’ai vu un passage très exposé qui permettait de se situer sur l’arête même de l’Argentine afin de guetter le côté de Solalex. J’ai pris mon courage à deux mains et me suis rendu sur l’arête en pouvant constater l’immensité du vide et les perspectives peu réjouissantes d’une chute mortelle. De retour sur l’éperon, à 2340 m, en ayant fait un rapide calcul du temps me restant avant d’aller chercher mes filles, de ma fatigue accumulée, j’ai choisi de prendre le pique nique là où j’étais, puis de redescendre par la suite. Voilà enfin une sage décision, car je me suis senti à nouveau pousser des ailes, étant convaincu que la descente serait facile. Après 50 m parcourus, j’étais encore plus stressé que lors de la montée. C’est alors que, dans une position assez inconfortable, j’ai choisi de “tricher” une nouvelle fois, cette fois, en mettant mes crampons adaptés pour les gazons couchés du début de l’été. A cet instant, j’ai réalisé que c’était la meilleure décision que j’ai jamais prise, car, dès lors, la descente fut rapide, solide, stable et très réjouissante : j’ai également eu d’excellentes sensations, moi qui aime tant les descentes rapides et sautillantes.
De retour sur le sentier officiel quelques 600 m plus bas, après avoir traversé l’enclos des vaches allaitantes et celui du taureau (!), j’ai réalisé que l’ascension aurait été beaucoup plus sûre et, surtout complète, si j’avais économisé mes forces en mettant, dès le début, ces fichus crampons. C’est décidé, je reviendrai la saison prochaine pour escalader ces derniers 80 m et me trouver au sommet de cette chaîne que j’aime tant.
Fort heureusement, cette expérience aura été bénéfique. Dès le lendemain, je me suis acheté des nouvelles chaussures de montagne, des vraies, avec une semelle semie-cramponnable, donc rigide. J’ai également vu que, malgré tout, j’ai entraîné mon sens de l’orientation et mon humilité. Je suis convaincu qu’ils me serviront lors de mes prochaines aventures alpines.